Altaïr || Wake The Wolf

ɮ Finissant de boucler son sac, Altaïr vérifia que tout était bien attaché et il sortit de la maison pour harnacher le tout sur le côté de son énorme moto, une machine à faire pâlir de jalousie les motards féroces qui rôdaient sur les routes des Etats-Unis – d’autant plus lorsqu’on savait qu’elle ne sortait pas d’une usine et avait été soigneusement montée pièce par pièce. Le jeune homme avait toujours eu un intérêt certain pour la mécanique. A croire que ses parents biologiques devaient avoir du sang moldu pour qu’il soit si passionné par une activité qui n’était pourtant pas commune dans le monde sorcier. Mais de ça, il s’en fichait bien : il était très heureux au milieu de tous ses outils, et puisqu’il préférait manier la clé à molette plutôt que sa baguette, ses parents avaient fini par le laisser en paix. Ils avaient vite réaliser que les lacunes de leur fils adoptif en magie pure étaient compensées par ses compétences dans des domaines bien plus physiques ; il n’était pas bête, loin de là, mais lorsqu’il n’avait pas d’affinité avec une matière ou un sort, il n’allait pas chercher à insister davantage, et lorsqu’on tentait de l’y forcer il développait pour la personne et la magie qu’on voulait lui inculquer de force un mépris violent qui laissa échapper une personnalité plus vindicative que son naturel calme laissait penser. Altaïr parlait peu mais il pensait chaque mot qu’il prononçait, qu’il s’agisse de compliments ou d’insultes. Et quand il avait une idée en tête, il était impossible de lui faire changer d’avis, quitte à devoir le laisser se casser les dents pour qu’il comprenne son erreur. Alors lorsqu’il avait émis le souhait de partir en voyage solitaire autour de l’Angleterre, monsieur et madame Downer avaient bien été forcés d’accepter la décision de leur rejeton. Ils avaient bien essayé de négocier avec lui, mais bien entendu, rien n’y avait fait. Ils n’avaient eu d’autre choix que de le laisser battre de ses propres ailes, même s’ils doutaient avoir beaucoup de nouvelles de sa part. Le jeune sorcier les aimait pourtant, ses parents ; après tout, c’était les seuls qu’il ait jamais connu. Mais il n’avait jamais eu sa place dans cette maison malgré tout ce qu’on avait pu lui assurer. Il le sentait au plus profond de lui, tout simplement : son destin, il faudrait qu’il le trouve ailleurs.
Finissant d’attacher son dernier sac, le jeune homme vérifia une dernière fois que tout était bien en place, puis il retourna dans la maison pour dire au revoir. Ce ne furent pas des adieux larmoyants, même si sa mère avait les yeux plus brillants qu’à l’accoutumée. Ce furent quelques promesses échangées, quelques conseils prodigués à l’oisillon fuyant le nid, puis dans un grondement redoutable, la moto partit, emmenant son propriétaire vers de nouveaux horizons.



ɮ Altaïr se débattait furieusement, d’énormes liens de cuir et des chaînes monstrueuses le maintenant cloués à un lit qui menaçait déjà de se briser tant il grinçait sous le poids du jeune homme qui semblait s’alourdir de minute en minute. Enfermé dans une salle spéciale de l’hôpital Sainte-Mangouste, il n’était pas encore remis des blessures qu’il avait reçu un mois plus tôt qu’il subissait un nouveau revers de fortune que les médecins avaient craint en voyant l’état des plaies qui marbraient son corps. Il avait été mordu, et pas par n’importe quoi.
Il avait été mordu par un loup-garou.
Lentement mais sûrement, la malédiction s’était répandue dans les veines du Downer, pourrissant son sang et sa vie à venir. Malheureusement pour lui, sa première pleine lune arrivait alors qu’il était encore à subir le contrecoup de son accident. Heureusement pour les autres, toute une armée de médicomages était là pour s’assurer qu’il était contenu et qu’il ne partirait pas massacrer un passant malchanceux. Aux aguets, ils étaient trois à surveiller le jeune homme tandis que les rayons de la lune traversaient les rideaux pourtant épais de la chambre blindée et que son corps commençait à changer. D’horribles craquements résonnèrent entre les murs tandis que ses membres s’allongeaient, ses os se déformant atrocement pour prendre une forme qui était de moins en moins humaines ; ses muscles déjà développés se gonflèrent davantage et finirent par déchirer la chemise de patient qu’il portait sur le dos, révélant une peau en train de se couvrir d’un pelage dru et noir comme la nuit. Altaïr poussa un cri de douleur et de rage, montrant des crocs qui s’allongeaient de seconde en seconde, devenant plus grands, plus épais, plus aiguisés – devenant des armes capables de transpercer la chair, à l’instar de ses ongles qui s’étaient changés en griffes acérées comme des lames de rasoir. Ses yeux bleus se teintèrent d’un jaune lugubre et ses traits se tordirent alors que tout son visage changeait de forme, devenant un museau de loup claquant dans l’air, la souffrance infligée par sa transformation le rendant plus agressif encore. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Tout ce qu’il savait, c’était qu’il avait mal, qu’on l’empêchait de bouger et qu’il avait soif de sang ; une soif immonde qui le prenait à la gorge et le faisait s’agiter de plus belle, et nul doute que s’il avait pu voir les sorciers bien cachés au fond de la chambre, il aurait tenté de se jeter sur eux. Il ne pouvait rien faire cependant, à part sentir leur odeur et renifler la peur qui émanait d’eux, entêtante.
Finalement, après de longues minutes d’agonie, ce ne fut plus un homme mais une bête qui était enchaîné par quelques gros maillons d’argent qui lui faisaient souffrir le martyr. Pourtant, ce ne fut pas suffisant pour lui couper le souffle, et Altaïr poussa un hurlement terrifiant.
Un hurlement de loup qui chante à la lune.



ɮ Regardant le cadavre à ses pieds, la bouche encore pleine du sang de sa victime, Altaïr reprenait son souffle. Ca n’avait pas été une cible facile, mais au moins elle était morte, comme convenu. Il n’avait pas cherché à en savoir plus à son sujet, n’avait pas cherché à savoir si cet homme avait des amis, une famille, des enfants, s’il avait des espoirs, des rêves ou des projets pour l’avenir ; il s’était contenté de le trouver, de l’attaquer et de lui ouvrir la gorge à coups de dents pour l’achever. Un sortilège lui avait brûlé le flanc, mais il s’en remettrait – avec toutes les créatures dont il s’occupait, il avait bien un onguent dans sa cahute pour soigner les dégâts causés par le feu, aussi magique fut-il.
En soupirant, il se rappela qu’il était temps de prévenir qu’il venait de réaliser son contrat. Sortant sa baguette de sa botte, il la pointa vers le ciel et marmonna la formule qui l’intéressait. Une fumée noirâtre sembla se concentrer dans le ciel et se tordit dans tous les sens jusqu’à former une marque annonciatrice de mort – un crâne de la bouche duquel s’échappait un serpent. Rangeant sa baguette à sa place, il remit la capuche de sa cape de garde-chasse sur la tête et s’éloigna dans les bois, là où il connaissait le terrain et où il pourrait semer ses traces. Après tout, depuis le temps qu’il hantait ces lieux, que ce soit pour y travailler ou pour y chasser une nuit par mois, il savait exactement où laisser traîner ses cadavres pour que, si quelqu’un devait les retrouver, il n’en reste pas grand’ chose sinon quelques lambeaux de chairs sur une carcasse nettoyée à blanc. D’ailleurs, il allait devoir se presser s’il ne voulait pas subir le même sort.
Et puis, s’il appréciait le goût du sang et de la chair humaine lors des pleines lunes, lorsqu’il était humain, c’était une toute autre histoire, et il n’aurait plus manqué qu’il croise quelqu’un pour passer pour un fou, un coupable ou un excentrique, et la seule chose dont il avait envie aujourd’hui, c’était de devoir parler. Il était de mauvais poil, il voulait rentrer chez lui, se laver, partir chercher la seconde moitié de sa prime et retourner finir sa journée en paix. Ca n’était pas beaucoup demandé, la vie pouvait bien faire ça pour lui, non ?